Jurisprudence
Dans un arrêt du 16 octobre 2025 (n°CAL-2024-00674), la Cour d’appel a apporté des clarifications importantes concernant la qualification de cadre supérieur et la gestion du report des congés payés. Dans cette affaire le salarié contestait son statut de cadre supérieur et réclamait le paiement d’un solde de congés non pris.
La Cour rappelle que trois conditions, telles que prévues à l’article L.162-8 du Code du travail, doivent être réunies cumulativement pour qu’un salarié puisse être considéré comme cadre supérieur, à savoir :
Sur la rémunération nettement supérieure, la Cour précise que l’appréciation doit être opérée par comparaison avec des salariés présentant une qualification et une ancienneté équivalentes.
Concernant l’existence d’un véritable pouvoir de direction ou d’une autorité définie, la Cour retient notamment les critères d’appréciation suivants :
S’agissant enfin de la large indépendance dans l’organisation du travail et des horaires, les juges prennent en considération l’absence de système de pointage, la liberté dans la fixation des horaires et des congés, ainsi que l’obligation de prévenir la direction uniquement à des fins de coordination.
En l’espèce, la Cour en a conclu que le salarié remplissait objectivement les trois critères, de sorte qu’il devait être considéré comme cadre supérieur, indépendamment de toute mention contractuelle ou sur les fiches de paie.
La décision apporte également des enseignements importants en matière de report des congés payés. Le salarié sollicitait le paiement d’un solde de congés reportés au-delà du 31 mars.
Selon la loi, les congés non pris au 31 mars de l’année suivant celle au titre de laquelle les congés ont été acquis sont en principe perdus. À cet égard, la Cour rappelle les principes suivants :
1) Le report des congés payés au-delà du 31 mars peut résulter d’un usage, y compris en présence d’une clause contractuelle prévoyant le contraire.
2) La charge de la preuve incombe à l’employeur, lequel doit démontrer soit que les congés ont effectivement été pris, soit qu’il n’existait ni demande de report, ni impossibilité objective d’en bénéficier.
Les mentions portées sur les fiches de paie jouent à cet égard un rôle déterminant : lorsqu’elles indiquent un solde reporté sans explication, elles engagent l’employeur. En l’espèce, la Cour a relevé que les fiches de paie mentionnaient, de manière répétée, des reports systématiques de congés d’une année sur l’autre. Elle en a déduit que l’employeur avait accepté tacitement ce report, celui-ci résultant d’un usage établi.
Ainsi, dès lors que l’entreprise souhaite appliquer strictement la règle légale limitant le report des congés au 31 mars, une vigilance particulière s’impose lorsque les fiches de paie mentionnent les soldes de congés. Il est nécessaire de veiller à ce que le gestionnaire de paie procède à la remise à zéro des compteurs au plus tard à cette date, afin d’éviter la caractérisation d’un usage de report tacitement admis par l’employeur.
Les employeurs sont invités à réévaluer régulièrement la qualification de cadre supérieur au regard des critères légaux et de la réalité des fonctions exercées, indépendamment des intitulés contractuels. Une attention particulière doit également être portée à la gestion et au suivi des congés payés afin d’éviter la création d’usages tacites de report. Une documentation rigoureuse des pratiques RH permet de sécuriser la situation en cas de contestation.